Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/359

Cette page n’a pas encore été corrigée

– D’attendre… » balbutia Mary d’une voix étranglée.

Le grand industriel ne put réprimer un geste de colère. La jeune fille s’empressa d’ajouter en contenant ses sanglots :

« Père, j’attendrai avec patience. Les raisons de M. Lucien prouvent la droiture de son âme. »

Mary cacha son visage entre les bras de son père ; Paul Harmant jeta sur Lucien un regard d’une expression navrante.

Ce regard signifiait clairement : « Pour attendre, il faut vivre, et vous la tuez !… » La jeune fille avait relevé la tête. Elle comprit ce regard.

« Ne crains rien, père, dit-elle, je vivrai, je te le promets. Je vivrai pour vous aimer tous les deux. M. Lucien a raison… Il faut laisser ses blessures se cicatriser… »

* * *

Ovide Soliveau, depuis son dernier entretien avec Paul Harmant, n’avait point donné à ce dernier signe de vie. Lui aussi songeait à se garer. Certaines paroles prononcées par Melle Amanda faisaient naître en lui des inquiétudes bien fondées. Amanda en avait trop dit et n’en avait pas dit assez. À cette heure il se défiait d’elle et voulait savoir jusqu’où allait sa perspicacité. Malgré l’arme qu’Ovide possédait contre elle, la jeune femme pouvait le perdre d’un mot.

L’essayeuse paraissait convaincue que son protecteur se nommait véritablement le Baron Arnold de Reiss, mais Soliveau avait cru lire dans les regards de la jolie fille qu’elle cherchait à connaître la demeure de ce baron.

Depuis le jour où nous l’avons entendu lui raconter son voyage à Joigny et les résultats de ce voyage, il n’avait pas cessé de la voir, dînant avec elle chaque jour.

De son côté, Melle Amanda ne se méfiait pas moins de son adorateur platonique. Elle voulait savoir qui était cet homme qui la tenait d’une manière absolue dans sa