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– Quoi ! Lucie ?

– Lucie est la fille de Jeanne Fortier, condamnée en cour d’assises pour avoir tué mon père.

– Est-ce possible ? fit Mary d’un ton presque farouche.

– S’il vous faut des preuves, mademoiselle, en voilà une… »

Et Lucien tendit à Mary le procès-verbal de l’hospice des Enfants-Trouvés. La jeune fille le prit et le lut avidement.

« Ah ! je suis vengée ! dit-elle au comble de la joie. Non, vous ne pouvez aimer cette fille ! Vous devez la haïr ! Ah ! je pourrai vivre désormais… car j’ai l’espérance ! »

Lucien avait repris le fatal papier.

« Écoutez-moi encore, mademoiselle, fit-il. Non, je ne hais pas Lucie, car l’enfant ne peut être rendue responsable des fautes de la mère, mais l’honneur me commande de l’oublier… La blessure est profonde et saignante, mais il faut au temps le soin de la cicatriser… Voici donc ce que je viens vous demander, jusqu’à ce que la guérison soit complète. Je veux l’oubli, je l’obtiendrai. Quand l’oubli sera venu, mon cœur sera libre. Sans doute alors la respectueuse affection que vous m’inspirez se changera en un sentiment plus tendre ; mais jusque-là laissez-moi m’isoler dans ma douleur. Contentez-vous d’une espérance. Me le promettez-vous ?

– Soit ! que votre volonté s’accomplisse ! » murmura Mary.

Lucien fut ému de la façon dont elle prononça ces mots.

En ce moment entrait Paul Harmant.

« Vous causiez, mes enfants ? dit-il en embrassant sa fille.

– Oui, père, répondit-elle.

– Et le sujet de l’entretien ? »

Lucien intervint.

« Celui que vous devinez, monsieur, dit-il.

– Qu’avez-vous résolu tous deux ?