Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/355

Cette page n’a pas encore été corrigée

– Le millionnaire Harmant et sa fille, n’est-ce pas ? Ils vous ont menacé de cela peut-être !

– Le père m’en a menacé, c’est vrai.

– Et il le ferait comme il l’a dit. Mais pourquoi m’avez-vous amenée ici ? Est-ce pour me charger d’apprendre à Lucie qu’elle ne doit songer à sa mère qu’avec horreur ? Et vous croyez que je vais révéler à Lucie quel est le sang qui coule dans ses veines ? Vous voulez qu’aux douleurs de l’abandon j’ajoute la flétrissure, la honte ? Ne comptez pas sur moi pour cela.

– Maman Lison, il ne faut pourtant pas laisser à Lucie un espoir qui la ferait plus tard souffrir davantage. »

La porteuse de pain sentit les sanglots l’étouffer. Elle ne répondit pas un mot et se dirigea vers la porte.

« Maman Lison… répéta le jeune homme en allant à elle.

– Adieu, monsieur Labroue. Adieu ! »

Et elle s’élança dehors, sans qu’il fût possible à Lucien de la retenir. Pendant longtemps il resta pensif. Tout à coup il se leva et se fit conduire chez Paul Harmant… Une fois sortie de chez Lucien, Jeanne se mit à marcher dans les rues d’un pas rapide et saccadé, ayant l’air d’une folle, répétant ces mots :

« Ma fille… Lucie est ma fille… J’ai retrouvé ma fille… »

Peu à peu le grand air la calma ; elle pressa le pas. Elle avait hâte d’embrasser sa fille. En voyant la clef sur la serrure de la porte de Lucie, la pauvre femme s’arrêta, brisée par une émotion terrible. Sa fille était là… Elle allait la voir, l’embrasser, mais il faudrait demeurer pour elle « Maman Lison », la porteuse de pain… Jeanne franchit le seuil.

« C’est vous maman Lison ! dit Lucie en lui souriant.

– Oui, c’est moi, mignonne. C’est moi, chère enfant. C’est moi, ma fille chérie… Vous êtes sortie, mignonne ?

– Oui. Je suis allée reporter de l’ouvrage, mais je regrette, parce que Lucien est venu pendant mon