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– De Jeanne Fortier qui a tué votre père… »

Lucien, un instant, écrasé, releva la tête.

« Rien ne prouve le crime, après tout. La justice se trompe souvent, et je crois à l’innocence de Jeanne Fortier.

– Vous y croyez, soit, mais jusqu’au jour de sa réhabilitation, Lucie restera la fille de l’assassin de votre père…

– Mon Dieu… mon Dieu… balbutia Lucien désespéré.

– Vous voyez bien que, sans être infâme, le fils de la victime ne peut donner son nom à la fille du meurtrier ! Lucie Fortier ne doit plus exister pour vous. Vous voilà libre… sauvez ma fille !

– Monsieur… bégaya Lucien affolé par la douleur, ayez pitié de moi ! J’avais mis ma vie entière dans cette union projetée… Laissez-moi respirer… Laissez-moi souffrir… »

Et le malheureux jeune homme éclata en sanglots.

« Assurément, je vous plains, répliqua Jacques Garaud. Mais en même temps, je vous exhorte au courage… Je vous ai sauvé du déshonneur. En échange, sauvez ma fille !… C’est le bonheur que je vous offre…

– Et si je ne peux pas accepter ?

– Pourquoi ne le pourriez-vous pas ?… En refusant, vous tueriez Mary, cette enfant qui vous aime, qui vous adore ! Ce serait un crime ! Tout à l’heure j’ai été cruel peut-être, en brisant vos rêves, mais j’ai agi comme le chirurgien qui porte le fer et le feu au fond de la blessure afin de la guérir. C’est de la reconnaissance que vous me devez.

– Cette reconnaissance, je l’éprouve. L’abîme était ouvert devant moi… vous me l’avez montré… je vous en remercie. Mais la blessure est trop profonde pour se cicatriser brusquement. Priez donc Melle Mary de me pardonner, si pendant un certain temps je ne profite pas des invitations qu’elle a bien voulu m’adresser. Il faut attendre…

– Mais ce sont ces alternatives d’espoir et de déceptions qui tuent Mary ! » murmura le millionnaire.

Lucien ramassa le procès-verbal qu’un instant aupara-