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quand j’ai épousé la mère de Mary !… N’hésitez plus… sauvez mon enfant…

– Hésiter serait une trahison envers celle que j’aime, répondit Lucien d’une voix grave. Je souffre de vous faire souffrir et c’est le cœur brisé que je refuse. Tout à l’heure vous me parliez de vous. Eh bien, si vous aviez aimé une enfant pauvre, si vous lui aviez juré qu’elle serait votre femme, auriez-vous trahi vos serments, auriez-vous enfin accepté de James Mortimer la main de sa fille, faisant passer votre ambition avant votre amour ? Répondez !

– Eh ? que voulez-vous que je vous réponde ? s’écria le millionnaire avec une sorte d’affolement. Je ne sais qu’une chose, c’est que ma fille va mourir si vous persistez !

– Calmez-vous, monsieur, je vous en supplie.

– Me calmer, le puis-je ? L’existence de mon enfant est en jeu et vous voulez que je sois calme ! Ah ! vous êtes sans pitié ! Eh bien, je sauverai Mary par vous et malgré vous !

– Mais comprenez donc, fit Lucien, qu’en sauvant Melle Mary je tuerais celle que j’aime.

– Eh ! répliqua l’industriel, paraissant céder à un entraînement irrésistible, celle que vous aimez est indigne de vous !

– Indigne de moi ! Ah ! ne me répétez pas cela, sinon je croirais que l’amour paternel vous fait perdre la raison.

– Il est heureux que je ne l’aie pas perdue, pour vous sauver… pour sauver votre honneur…

– Qui le met en péril ?

– Le mariage résolu par vous !

– Que voulez-vous donc dire ? Parlez, monsieur, parlez donc !… s’écria Lucien en proie à un véritable affolement.

– Je veux vous empêcher de faire un outrage à la mémoire de votre père ! répondit Jacques Garaud. Je veux vous arracher du cœur un amour honteux, déshonorant, sacrilège.