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La figure de la jeune fille devint rayonnante.

« Ainsi, vous acceptez mon invitation avec joie ?

– Oui, certes ! Elle m’était précieuse à un double titre, étant le témoignage de l’amitié dont vous parliez tout à l’heure, et de l’estime que monsieur votre père veut bien m’accorder…

– C’est plus que de l’estime, reprit Mary, c’est de l’affection que mon père éprouve pour vous. Il me l’a dit, bien des fois.

– J’en suis fier et reconnaissant…

– Pourquoi donc ne veniez-vous pas nous voir plus souvent ?

– Je ne me croyais pas autorisé…

– À nous traiter en amis ? acheva la jeune fille. À vivre avec nous sur un pied d’intimité ? Mon père approuvera tout ce que je fais ! Je profite de cette liberté pour vous dire, en son nom comme au mien, que votre couvert sera mis chaque jour ici, et que nous compterons sur vous ? N’est-ce pas, père ?

– Je n’ai qu’à m’incliner », fit le millionnaire en souriant.

L’embarras de Lucien se transformait en malaise.

« Tant de bontés me rendent confus… bégaya-t-il.

– C’est convenu. Et je compte aussi que vous nous accompagnerez souvent au théâtre. En refusant, vous me feriez de la peine, beaucoup de peine, et je suis sûre que telle n’est point votre intention. Acceptez sans crainte, je vous promets de ne pas abuser. »

Le visage de Mary exprimait une telle angoisse, l’intonation de sa voix devenait si suppliante, que Lucien ne se sentit point la force de désespérer la jeune fille.

« J’accepte, mademoiselle, dit-il, mais les exigences du travail me laissent bien peu de liberté.

– Elles vous laissent la liberté de vos dimanches, et je compte qu’à l’avenir vous voudrez bien nous les consacrer. »

La fille du millionnaire avait prononcé avec une câlinerie adorable ces dernières paroles. Elle attendait une réponse affirmative. Mais Lucien venait de trouver un prétexte pour décliner la proposition.