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nous voir tous les deux en même temps près d’elle.

– Mais, monsieur… balbutia le jeune homme.

– Oh ! pas d’excuses, pas de prétextes pour décliner l’invitation de ma fille, interrompit vivement le millionnaire.

– J’accepte, monsieur, et je serai très heureux de présenter mes hommages à mademoiselle votre fille. »

Vers quatre heures, Lucien quitta Courbevoie pour aller chez lui se préparer à dîner à l’hôtel de la rue Murillo. Il regrettait maintenant d’avoir accepté l’invitation qui pendant de longues heures, allait le mettre en présence de Mary dont il connaissait, dont il déplorait l’amour insensé.

Il était six heures et demie du soir lorsque le fiancé de Lucie arriva la cœur serré à l’hôtel de la rue Murillo.

« Ma fille vous attend au salon », lui dit Paul Harmant.

Mary attendait en effet, et Dieu sait quelle fièvre d’amour faisait battre ses tempes ! Paul Harmant parut sur le seuil, faisant passer devant lui son hôte. Mary voulut marcher à leur rencontre, mais la violence de son émotion détermina chez elle une sorte de défaillance ; elle chancela et retomba sur le siège qu’elle venait de quitter. Sa pâleur était effrayante.

Son père courut à elle. À l’aspect des traits altérés de la jeune fille, Lucien se sentit pris d’une douloureuse pitié.

« Tu souffres, ma chérie ? demanda le millionnaire.

– Non, père, je ne souffre pas… au contraire… J’ai ressenti un étourdissement… ce n’était rien… c’est passé déjà… Je suis heureuse de revoir M. Lucien, et il n’en doute point, car il sait que je l’aime… d’une amitié sincère…

– Moi, aussi, mademoiselle, répondit Lucien avec un trouble involontaire, je suis heureux de vous voir… très heureux…

– Vrai ? bien vrai ? » s’écria Mary avec un élan de passion.

Lucien comprit qu’une froideur trop significative pouvait tuer cette enfant ; aussi répliqua-t-il vivement :

« Je vous l’affirme, je vous le jure !… »