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des travaux commandés à Mme Augustine. Elle ignorait l’« accident » arrivé à la jeune ouvrière et elle ne se serait point doutée qu’elle seule était la cause inconsciente de cet « accident ».

Quelques jours après sa réinstallation, Lucie, avait envoyé maman Lison demander ce qu’elle devait faire pour l’essayage ; Mme Augustine fit répondre qu’il lui serait agréable que Lucie, si elle pouvait sortir, se rendît à l’hôtel de la rue Murillo. En conséquence, le lendemain, vers midi, elle se rendit chez sa cliente.

Paul Harmant et sa fille achevaient de déjeuner. Le valet de chambre entra dans la salle à manger et dit :

« Il y a là la couturière de mademoiselle. »

Mary devint pâle, très pâle.

« Lucie ? fit-elle d’une voix agitée.

– Lucie ! » s’écria à son tour Paul Harmant, livide de terreur.

Mary ne comprit pas, ne pouvait pas comprendre l’expression d’épouvante peinte sur le visage de son père.

« Je ne la recevrai pas, mon père ! » dit-elle.

Ces paroles ramenèrent un calme relatif dans l’esprit du millionnaire. Il sentit qu’il avait risqué de se trahir ! Lucie vivante ! Ovide avait-il menti avec impudence en prétendant l’avoir « supprimée » ? Dans tous les cas il fallait s’assurer de l’identité de la jeune fille et pour cela il fallait la voir. Jacques se pencha vers sa fille et lui dit à voix très basse :

« Je n’ai pas su dominer un premier mouvement d’irritation, et je le regrette car cette irritation est injuste…

– Injuste ? répéta Mary.

– Oui, certes. Cette jeune fille ignore qu’elle est cause de ta souffrance. Pourquoi lui fermerais-tu ta porte ? Accueille-la donc aujourd’hui, et contente-toi de prier Mme Augustine de t’envoyer à l’avenir une autre personne…

– Vous avez raison, mon père… Faites entrer… »

Le valet de chambre revint au bout de quelques secondes, amenant Lucie. L’ouvrière était d’une pâleur