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– Qui ça ? Un monsieur chic ?

– Pas celui qui m’a questionné ; mais celui qui expédiait le questionneur l’est certainement.

– Qu’est-ce qu’on vous a demandé ?

– À quelle heure vous sortiez pour aller déjeuner… à quelle heure vous quittiez l’atelier le soir…

– Et vous avez répondu ?

– Ce qu’il fallait répondre, je vous ai fait mousser.

– Madame Bardet, s’il m’arrive quelque chose d’heureux, je vous ferai cadeau d’une montre en or avec sa chaîne.

– Alors, c’est comme si je les tenais.

– Maintenant, je cours déjeuner… je suis en retard. »

Amanda Régamy avait vingt-deux ans. Elle était jolie et portait la toilette d’une façon ravissante.

Absolument dépourvue des principes les plus élémentaires, Amanda n’aspirait qu’à l’oisiveté, au luxe. Son idéal était de devenir l’émule de ces femmes dont le métier est d’être belles et dont s’occupe tout Paris.

Avant de venir chez Mme Augustine, elle avait habité Joigny, chez une modiste, et elle en était partie à la suite d’une fâcheuse aventure que nous connaîtrons plus tard.

À huit heures moins un quart, Amanda passa dans le cabinet de toilette affecté à cet usage, quitta la robe luxueuse de Mme Augustine, revêtit le costume plus simple qui lui appartenait et sortit la dernière.

Elle gagna la porte de la rue. Là elle s’arrêta et jeta un coup d’œil sur le trottoir. Elle n’aperçut qu’un homme de cinquante ans environ, aux cheveux grisonnants bien mis et d’apparence respectable.

« Ce ne doit pas être celui-là… » murmura-t-elle.

Elle se mit à marcher à tout petits pas. Au moment où elle passait devant l’homme aux cheveux gris, celui-ci la salua en souriant. Amanda se dit sans trop de surprise :

« Tiens ! tiens !… il paraît que c’est lui… Au fait, il a l’air d’un monsieur cossu… et très comme il faut. »

Elle marcha lentement, avec de petits sautillements prétentieux. Ovide, que nos lecteurs ont déjà reconnu, la regardait manœuvrer.