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cher cousin verra peut-être clair où moi je ne vois goutte. »

Rejoignons Mary Harmant. Après avoir quitté le logement de Lucie dont elle avait fermé presque avec violence la porte derrière elle, la fille du millionnaire porta les deux mains à sa gorge comme pour arrêter au passage les sanglots prêts à jaillir. Ensuite luttant contre la défaillance physique et morale qui s’emparait de son corps et de son âme, elle descendit l’escalier, monta dans sa voiture et dit au cocher :

« À l’hôtel… »

En arrivant rue Murillo, elle alla droit au cabinet de son père. Paul Harmant leva la tête. En voyant le visage pâle de sa fille, ses traits décomposés, ses yeux rougis, une effroyable angoisse s’empara de lui. Plein d’épouvante, il se leva.

« Mon enfant… Ma chère enfant… » commença-t-il.

Mary ne lui laissa pas le temps d’achever sa phrase.

« Tu m’as trompée ! dit-elle d’une voix sourde et comme enrouée. Tu m’as menti ! Lucien ne m’aime pas… C’est une autre qu’il aime… c’est une autre qu’il épousera…

– Mary, ma mignonne, comment sais-tu cela ? Si je t’ai caché cet amour prétendu dont tu parles, c’est que j’ai résolu de le combattre par tous les moyens, et ce que je veux s’accomplira. Qui t’a révélé le secret ?

– Qui me l’a révélé ? Celle qui l’aime ! Elle crie son bonheur sur les toits, et lui, qui l’entendait, n’a pas démenti ses paroles.

– Tu l’as donc vu, lui ?

– Je l’ai vu près d’elle… près de sa fiancée… heureux tous les deux… Ils s’adorent… ils se marieront bientôt.

– Non, mon enfant, il ne l’épousera pas. »

La jeune fille éclata en sanglots.

« Pourquoi m’avoir menti ? balbutia-t-elle. Pourquoi mentir encore ? Ton mensonge m’a fait bien du mal. Il a mis dans mon cœur un espoir qui n’était qu’illusion. Voici la réalité froide et cruelle, et cette réalité causera ma mort. »

Jacques Garaud, torturé, crut qu’il devenait fou.