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« Qui donc ne t’aimerait ? fit-il d’un ton mal assuré.

– Ce n’est pas répondre… M’aime-t-il ?

– Il ne m’a pas fait d’aveu positif, mais l’éclat de ses yeux et le rayonnement de sa figure parlaient pour lui. Je ne pouvais me tromper à son expression de joie profonde. D’ailleurs, puisqu’il accepte ce mariage, c’est qu’il éprouve pour toi une inclination véritable. Lucien Labroue n’est pas un homme à enchaîner sa vie, à sacrifier son indépendance à une fortune, quelle qu’elle soit.

– Je le crois, père. Dis-moi… l’attente sera-t-elle longue ?

– Pour réaliser l’invention, peut-être faudra-t-il quelques mois.

– Je prendrai patience. Mais Lucien me fera la cour. À cette heure, tu peux le traiter comme un gendre futur…

– Je le ferai certainement… Lucien viendra souvent ici.

– Et il me confirmera la bonne nouvelle ?

– Sans doute.

– Eh bien, me voilà satisfaite, dit Mary joyeusement ; j’attendrai. Seulement, toi, père, tu tâcheras d’abréger l’attente.

– J’ai non moins hâte que toi de voir accomplir ce mariage.

– Grâce à toi, ta fille sera la plus heureuse des femmes ! »

Paul Harmant se demandait avec épouvante comment il sortirait de l’impasse dans laquelle il venait de s’engager. Tout à coup un éclair lui traversa l’esprit et les nuages sombres entassés sur son front disparurent. Mary fut d’une gaieté folle pendant toute la soirée ; quand elle regagna sa chambre, elle était littéralement transfigurée et ne semblait plus malade.

« Ce mariage la sauverait, se dit le millionnaire ; il faut qu’il se fasse. »

Le lendemain il devait se rendre à Courbevoie de grand matin pour surveiller la mise en caisse de grandes pièces mécaniques qu’il envoyait à Bellegarde. Un mécanicien chef et deux ouvriers ajusteurs se tenaient prêts à ac-