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Mary ne répondait pas. Son visage demeurait livide. Ses yeux restaient fermés. Le millionnaire devenait fou d’épouvante. Il prit les mains de sa fille. Elles étaient glacées.

« Morte ! cria-t-il avec effarement. Je l’ai tuée ! »

À cette minute, l’enfant fit un mouvement léger.

« Elle revient à elle… » murmura le père.

Saisissant Mary, il la souleva et la porta jusqu’à son lit, où il l’étendit. Quelques gouttes de sang vinrent aux lèvres de la jeune fille, Mary ouvrit les yeux, promena un regard vague autour d’elle et reconnut son père.

« Lucien ?… murmura-t-elle d’une voix très basse.

– Oui… répondit le millionnaire. Tu vivras pour l’aimer. »

Ces mots galvanisèrent la malade. Elle prit dans ses mains la tête de son père, l’embrassa et tout bas, lui dit :

« Tu me le donneras alors ?

– Je te le jure !…

– Ah ! je suis heureuse ! La joie me rend des forces et me rendra bientôt la santé… Je ne veux pas mourir… »

Paul Harmant quitta la chambre. Au moment d’atteindre la porte il se retourna et jeta un dernier regard, plein d’angoisse, au pâle visage que le doigt de la mort semblait avoir déjà touché.

« À ce soir », dit-il en s’efforçant de sourire. Dans la cour de l’hôtel la voiture attendait tout attelée. L’industriel donna l’ordre de le conduire à Courbevoie. Un combat se livrait dans son âme, mais l’issue n’en était plus douteuse, puisqu’il s’agissait de sauver Mary.

« Advienne que pourra ! dit-il. Il faut que ce mariage se fasse… Ne serait-ce point d’ailleurs un moyen de détourner de moi la vengeance de Lucien Labroue, si quelque hasard funeste venait lui révéler le passé ? Oserait-il soulever un scandale autour de l’homme dont il aurait épousé la fille ? Évidemment non ! Cette union qui me faisait peur sera peut-être pour moi le salut ! »

En arrivant à l’usine, l’industriel pria Lucien Labroue de l’accompagner dans son cabinet.

Brusquement, il dit au jeune homme :