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du premier mouvement. Or, le premier mouvement a été tout de répulsion. Paul Harmant peut être un homme intelligent, un industriel hors ligne… il n’est pas un homme franc. »

… Paul Harmant et sa fille étaient remontés dans le coupé qui les attendait à la porte de l’avocat. L’un et l’autre gardaient le silence. Mary était un peu confuse. L’ex-contremaître se trouvait sous le coup de la terreur que lui avait causée la nouvelle de l’évasion de Jeanne Fortier.

« Jeanne Fortier, libre !… se disait-il. Jeanne Fortier pouvant venir à Paris, m’y rencontrer, m’y reconnaître ! Cette femme sera reprise, je le crois, je l’espère. Mais si elle ne l’était pas assez tôt pour empêcher une catastrophe… Si elle avait le temps de me rencontrer, de me trahir… »

À la crainte qu’inspiraient à Jacques Garaud la veuve de Pierre Fortier et le fils de Jules Labroue se joignait une autre terreur, celle de voir arriver d’un moment à l’autre, à Paris, son prétendu cousin, Ovide Soliveau, qui lui avait écrit une lettre finissant par ces mots : « Peut-être nous reverrons-nous plus tôt qu’on ne pense. »

Qu’était-il donc survenu à New York, pour motiver la lettre écrite par Ovide à Paul Harmant ? Resté maître de la fabrique, Soliveau s’abandonna à sa passion pour le jeu. Les sommes considérables laissées en caisse par le gendre de James Mortimer ne tardèrent point à se volatiliser, et Ovide Soliveau dut recourir à des emprunts. Comme il n’entendait rien aux affaires, tout alla mal et un prochain effondrement devint inévitable.

Ovide eut assez de bon sens pour le comprendre et voulut se débarrasser à beaux deniers comptants de la fabrique croulante. Des acheteurs se présentèrent ; mais en présence de la débâcle visible, ils firent des offres dérisoires. Le Dijonnais essaya de tenir bon ; mais il perdit au jeu, en une seule nuit, près de cent mille dollars sur parole. Le lendemain Ovide acceptait les offres qu’il avait refusées trois jours auparavant, touchait quelques fonds, payait ses dettes de jeu, remboursait son banquier et se trouvait ne plus posséder