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S’approchant alors d’un autre établi, il dit à l’ouvrier qui y travaillait :

« François, cessez ce que vous faites et achevez vivement ce collier. Il faut que ce soit fini dans une heure. »

Le contremaître sortit de l’atelier et se dirigea vers la loge de Jeanne. La jeune femme, à travers le vitrage de la fenêtre, le vit traverser la cour et venir de son côté.

« Il se sera aperçu de la disparition de Vincent, pensa-t-elle ; il va m’adresser des reproches, bien sûr. »

Et Jeanne, un peu inquiète, éprouva quelque regret de s’être laissée apitoyer… Jacques ouvrit la loge.

« M’ame Fortier, dit-il d’une voix rude, vous avez ouvert la porte à un homme de l’usine ?

– Moi… monsieur Jacques… balbutia la veuve.

– Oh ! inutile de nier, interrompit le contremaître. Vincent m’a demandé l’autorisation d’aller jusque chez lui. Je la lui ai refusée, comme c’était mon devoir ; il est venu vous trouver et vous avez été plus faible que moi…

– Eh bien, oui, c’est vrai, dit Jeanne, le pauvre homme pleurait ; il m’a suppliée… J’ai cédé…

– Vous saviez pourtant qu’en agissant ainsi vous étiez coupable ; et savez-vous quelle sera pour lui la conséquence de votre faiblesse ?… À partir de ce moment, il ne fait plus partie du personnel de l’usine, et quand il se présentera, je vous défends de lui ouvrir. Vincent a interrompu un travail qu’il fallait achever dans le plus bref délai. Je suis responsable. Je dois rendre compte au patron de ce qui se passe dans les ateliers. Je l’avertirai.

– Mais, s’écria la jeune femme avec effroi, tout va retomber sur moi, alors !…

– Mon devoir est de dire la vérité.

– Non, monsieur Jacques, vous ne serez pas dur à ce point pour ce pauvre Vincent. Ce n’est point ma cause que je plaide auprès de vous, c’est la sienne. En se figurant sa femme plus malade, en danger de mort, il a perdu la tête ; il va rentrer, le patron est absent, vous seul saurez qu’une infraction au règlement a été commise.