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se figurait par instant retrouver en Lucie sa fille. Lorsqu’elle vit Lucien franchir le seuil, elle voulut se retirer.

« Restez donc, lui dit le nouveau venu, c’est jour de fête pour Lucie, et vous en prendrez votre part. »

Jeanne ne demandait qu’à rester.

« Ah ? vous êtes bon, monsieur Lucien ! fit-elle avec émotion. Vous l’aimez bien, notre chère demoiselle ; mais je l’aime autant que vous ! Ne la quitter jamais, voilà ce que je voudrais…

– Cela viendra peut-être… Lorsque nous serons mariés, Lucie aura un appartement qu’il faudra entretenir. Si vous voulez nous suivre, vous vous chargerez de ce soin.

– Si je veux vous suivre ! s’écria Jeanne.

– Vous avez eu une excellente pensée, mon ami, dit Lucie à son tour ; si maman Lison m’aime, je le lui rends bien, il me semble trouver en elle la mère que je n’ai jamais connue.

– Et je vous adore, chère mignonne, comme si vous étiez ma fille ! » s’écria Jeanne en prenant Lucie dans ses bras.

Ce fut un moment d’émotion ineffable pour les deux femmes ignorant que les liens étroits du sang les unissaient, poussées l’une vers l’autre par la plus tendre affection.

« Maman Lison, fit Lucien au bout d’un instant, vous souvenez-vous, en nous entretenant de mon père, nous avons parlé de cette malheureuse condamnée pour un crime dont je la crois innocente ?

– Oui, oui, je m’en souviens ! répondit vivement Jeanne.

– Elle s’est évadée de sa prison il y a deux mois.

– Évadée ! s’écria Lucie. Ainsi elle est libre.

– Oui, mais on suppose qu’elle ne s’est enfuie qu’afin de chercher ses enfants, et on compte sur ses démarches imprudentes pour la reprendre. »

Jeanne frissonnait. Elle détourna la tête pour cacher sa pâleur livide… Plus que jamais elle comprenait qu’il lui fallait se taire et se cacher.