fiévreuse, portant d’instant en instant un regard vers la porte.
« Il y a longtemps que vous travaillez à la couture, ma chère demoiselle ? demanda tout à coup Jeanne.
– Voici bientôt six ans, maman Lison… répondit Lucie.
– Vous avez fait votre apprentissage à Paris ?
– J’avais commencé à apprendre à l’hospice où j’ai été élevée… »
Jeanne tressaillit de tout son corps.
« Vous avez été élevée à l’hospice ? fit-elle vivement.
– Oui, maman Lison, dit tristement l’ouvrière. Je n’ai jamais connu ni mon père, ni ma mère… On m’a déposée toute petite à l’hospice des Enfants-Trouvés… »
Lucie, absorbée par son travail, ne pouvait voir l’émotion profonde qui bouleversait les traits du visage de Jeanne.
« Il y a longtemps de cela ?
– Vingt et un ans…
– Vingt et un ans. Et vous avez quel âge ?
– D’après ce qu’on m’a dit, je dois avoir vingt-deux ans.
– Savez-vous si vous avez été abandonnée par vos parents, ou par des étrangers à qui vos parents vous avaient confiée ?
– Non.
– Mais on devait le savoir à l’hospice ?
– On ne doit pas révéler aux enfants le secret du dépôt. Il faut que la personne qui a déposé un enfant, ou le mandataire de cette personne vienne le réclamer, en faisant connaître notamment les indices joints aux langes.
– Vous ignorez si des indices de cette nature existaient pour vous ?
– Il en existe, je le sais.
– Mais ce nom de Lucie que vous portez ?
– J’ai été déposée à l’hospice le jour de la sainte Lucie… C’est pour cela, peut-être, qu’on m’a donné ce nom !