– Je ne crois ni à ce dévouement, ni à cette mort, mais à une comédie infâme jouée par le misérable.
– Vous avez la preuve de cela ?… s’écria l’industriel, pris à la gorge par l’angoisse.
– Non, monsieur, malheureusement, mais Jacques Garaud avait écrit à Jeanne Fortier, dont il était amoureux, une lettre contenant l’aveu, ou plutôt l’annonce de son crime.
– Comment Jeanne Fortier ne s’est-elle pas servie de cette lettre pour se justifier ?
– Elle ne la possédait plus… l’incendie l’avait dévorée.
– Tout cela ne repose que sur des suppositions.
– Soit, répliqua Lucien. Mais il existe des pressentiments qui ne trompent pas un fils. Le jour du châtiment viendra… Je dois venger mon père assassiné ! »
Une sueur froide mouillait les tempes de l’assassin.
« Eh ! répliqua-t-il, que pouvez-vous faire ? Vingt-deux ans se sont écoulés depuis le drame. La prescription…
– Que m’importe la prescription. Si Jacques Garaud est vivant, et si je le rencontre, ce n’est point à la loi que je demanderai justice… Le misérable, enrichi par le crime, a changé de nom certainement et s’est créé une famille. Le scandale fait autour de lui, la haine et le mépris des siens résultant de ce scandale suffiront à ma vengeance. »
Le millionnaire se leva en proie à une agitation terrible. Tout à coup il dit d’une voix changée :
« Je vous approuve de vouloir venger votre père, mais je doute que vous arriviez à ce but. Maintenant, reprenons notre entretien… Vous sollicitez dans ma maison un emploi qui assure pour vous, non seulement le présent, mais l’avenir ?… Eh bien, cet emploi, je vous le donne.
– Ah, monsieur ! »
Et dans un élan de gratitude, Lucien saisit les mains de Jacques Garaud. Ces mains étaient glacées. Le millionnaire se dégagea sans affectation et poursuivit :
« Je vous prends avec moi. Vous serez un second moi-même. Votre titre de directeur des travaux vous donnera une autorité absolue sur les ateliers. Ne perdez pas