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pas chères, et qu’elle pourrait y venir chercher sa nourriture. En conséquence elle s’y rendit, et rencontra le Lyonnais qu’elle remercia.

« De rien, maman Lison… » répliqua le garçon jovial.

Le nom de maman Lison devait rester à Jeanne parmi les gens de la boulange, qui, à partir de ce jour, la reconnurent pour l’une des leurs. Le lendemain matin Jeanne, à l’heure convenue, arrivait à son poste. Muni du livre d’adresses des clients elle s’était, vite, la veille au soir, une fois rentrée chez elle, tracé un itinéraire afin de perdre le moins de temps possible.

Le quai Bourbon étant l’endroit le plus éloigné de son parcours, ce fut celui qu’elle choisit pour s’y rendre en dernier.

Jeanne monta chez les pratiques. Au sixième étage, la porte de Lucie s’ouvrit, et la jeune fille parut sur le seuil.

« Ah ! c’est mon pain que vous me montez, madame…

– Oui, mademoiselle, répondit Jeanne, éblouie de la beauté de l’ouvrière. C’est un pain de deux livres, n’est-ce pas ?…

– De deux livres, oui… Venez… je vais vous payer. »

L’évadée de Clermont entra dans la chambre dont l’ordre parfait et la merveilleuse propreté la frappèrent.

« Vous paraissez fatiguée, ma bonne dame… dit Lucie.

– Je le suis un peu, mademoiselle. La tournée est longue et c’est la première fois que je la fais. »

Tout en disant ce qui précède, Jeanne ne partait pas. Ses regards ne pouvaient se détacher du visage de Lucie. Elle se sentait entraînée vers elle par une sympathie soudaine.

« Vous n’avez pas l’habitude du métier de porteuse ? reprit l’ouvrière.

– Non, mademoiselle… mais je m’y habituerai vite. Ce n’est point la force qui me manque… ni le courage… Allons, au revoir !…

– Au revoir, ma chère dame. »

Mais Jeanne ne s’en allait point ; ses pieds lui semblaient cloués au sol. Une machine à coudre et des étoffes attirèrent son attention.