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fugitive eut un moment d’indécision. Elle s’arrêta près du seuil.

Une servante, passant non loin d’elle, lui dit :

« Oh ! madame, il y en a encore de la place.

– Oui… oui… il y en a… fit un garçon boulanger de vingt-quatre ou vingt-cinq ans, installé près de l’entrée. Tenez, à côté de moi… Nous sommes tous de la boulange, ici, et quand vous n’en seriez pas, on vous accueillerait bien tout de même. »

Jeanne sourit et vint s’asseoir à côté du garçon boulanger. La veuve de Pierre Fortier commanda son dîner. Tout à coup le brave garçon interpella un jeune homme placé à quelques tables plus loin.

« Dis donc, Tourangeau, tu ne connaîtrais pas un moyen pour empêcher ma patronne d’avoir des attaques de nerfs, et mon patron d’être grincheux.

– Qu’est-ce qu’ils ont donc ?… répliqua le jeune homme. Et qu’est-ce qu’il faudrait pour les guérir ?…

– Tout simplement une bonne porteuse !

– Rien que ça !… fit le Tourangeau en riant. C’est le merle blanc, les bonnes porteuses… Depuis quinze jours, chez ma patronne, nous en avons changé quatre fois.

– C’est encore mieux chez Lebret, mon patron… en deux jours, nous en sommes à la cinquième. La clientèle se plaint, menace d’aller ailleurs, et ça met le patron et sa femme dans tous leurs états. Celle qui se présenterait en ce moment et ferait l’affaire serait bien sûre d’avoir trois francs par jour et deux livres de pain. Si tu en connais une, tu peux l’envoyer… »

Jeanne avait écouté avec une attention facile à comprendre. Quand fut terminé son repas, au lieu de s’en aller elle attendit. Le garçon boulanger s’était mis à lire un journal. Jeanne lui posa la main sur le bras.

« Pardon, monsieur, lui dit-elle.

– Qu’est-ce qu’il y a pour votre service ? demanda le jeune homme.

– Vous venez de dire tout à l’heure que chez votre patron on avait besoin d’une porteuse de pain ?…

– Sans doute… Est-ce que vous pensez à vous proposer ?…