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soirée dansante chez la femme de l’un des amis de mon père.

– Vous l’aurez jeudi, mademoiselle.

– Où demeurez-vous, ma chère enfant ?

– Quai Bourbon, n° 9, répondit Lucie.

– Bien, je prends note du numéro. Allons, au revoir, Lucie !

– Au revoir, mademoiselle… et merci, encore. »

Mary, après le départ de l’ouvrière, était retombée dans sa tristesse. Elle vint se blottir devant le feu, en pensant à Lucie.

« Enfant trouvée… murmura-t-elle. Sans père… sans mère… Et cependant elle est heureuse… Elle ne s’ennuie jamais… Elle travaille… Elle espère en l’avenir et elle aime !… Elle est aimée !… Saurai-je jamais, moi qui suis riche, ce que c’est que l’amour ?… »

Un accès de toux empourpra violemment les pommettes de la jeune fille. Elle porta son mouchoir à ses lèvres. Quand elle le retira, il était taché de rouge. Mary devint très pâle.

« Du sang !… balbutia-t-elle. Et la poitrine me brûle !… il me semble que j’ai un charbon ardent entre les deux épaules… »

Elle alla prendre une cuillerée de potion, puis revint s’asseoir.

« Je voudrais aimer aussi, moi ! »… fit-elle en soupirant.

* * *

La boutique du marchand de vin qui avait pour enseigne ces mots : AU RENDEZ-VOUS DES BOULANGERS était bien nommée. C’était en effet le lieu de réunion des geindres ou garçons boulangers, des mitrons et des porteuses de pain du quartier. Chaque quartier de Paris enferme une ou deux de ces maisons, qui servent de lieux de rendez-vous aux employés de la boulangerie. Tout le monde se connaît ; chacun raconte à son voisin ses affaires de boutique.

C’est dans la grande salle encore à demi pleine que Jeanne Fortier pénétra. En voyant tous ces dîneurs, la