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elle avait confié sa fille. Elle savait fort bien qu’elle ne trouverait point cette femme, puisque la lettre écrite de la maison centrale de Clermont était revenue avec cette mention : « Destinataire inconnue », mais elle espérait recueillir quelques indications utiles.

La chaumière de la nourrice n’existait plus. Sur son emplacement et sur les terrains avoisinants s’élevait une vaste maison de rapport. Jeanne franchit le seuil de cette maison, s’adressa à une femme faisant l’office de concierge et lui dit :

« Combien y a-t-il de temps que ce bâtiment est construit ?

– Six ans.

– N’auriez-vous pas connu une certaine veuve Frémy qui prenait des enfants en nourrice ?

– La veuve Frémy… Je me souviens d’elle. Voilà belle lurette qu’elle est trépassée. Ça date de la guerre.

– N’avait-elle pas un fils ?

– Si… un grand chenapan de garçon. Il est mort.

– Il est mort ? s’écria Jeanne.

– Ah ! dame ! oui… Est-ce que vous êtes de sa famille ?

– Non, madame. Mais j’aurais voulu savoir de lui ce qu’était devenue une petite fille confiée à sa mère.

– Y a-t-il longtemps de cela ?

– Vingt et un ans.

– Je n’habitais pas Joigny à cette époque, répliqua la concierge. Quand j’ai connu la veuve Frémy, elle ne prenait plus de nourrissons depuis longtemps déjà et je n’ai jamais vu près d’elle que son sacripant de garçon, mais si les parents ne sont point venus réclamer leur moutard, vous pouvez savoir ce qu’il est devenu. La mère Frémy, n’étant plus payée et voulant se débarrasser de l’enfant, aura dû avertir l’autorité qui se sera chargée de le mettre quelque part. Adressez-vous à la mairie ou à la sous-préfecture… On pourra vous renseigner…

– La mairie ! la sous-préfecture ! l’autorité ! » pensa la malheureuse mère avec désespoir.

La concierge regardait Jeanne curieusement.