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teur, demanda Étienne Castel à Lucien. Seriez-vous le fils de Jules Labroue dont l’usine fut incendiée, il y a vingt-deux ans ?

– Oui, monsieur, et mon malheureux père mourut assassiné au milieu de l’incendie.

– Ton père assassiné ! fit Georges avec étonnement. Tu ne m’avais jamais raconté ce drame terrible…

– C’est que je l’ignorais moi-même, mon cher Georges. Je n’ai appris l’effrayante vérité qu’à la mort de ma tante. »

Lucien demanda alors à Étienne s’il avait connu son père.

« Je ne l’avais jamais vu, mais j’entendis parler, comme tout le monde, de la tragédie d’Alfortville. »

L’artiste se disait tout bas :

« Étrange caprice de la destinée qui fait du fils de la victime le plus intime ami du fils de l’assassin !

– Le criminel a-t-il été puni ? demanda Georges.

– Une femme déclarée coupable du meurtre et de l’incendie a été condamnée à la réclusion perpétuelle… répondit Lucien.

– Elle avait pris la fuite. Elle a été arrêtée dans le presbytère d’un village situé à quelques lieues de Paris. »

Georges jeta sur Étienne Castel un coup d’œil interrogateur.

« Tu ne te trompes pas, répondit l’artiste à ce coup d’œil. La femme dont parle M. Labroue est bien celle dont je t’ai parlé qui figure au premier plan du tableau que je te destine.

– Ainsi, demanda Lucien, vous avez vu cette femme ?

– Je l’ai vue et je lui ai parlé au presbytère du village de Chevry, chez le digne abbé Laugier, l’oncle de Georges.

– Et, reprit Lucien, quelle femme était-ce ?

– Une belle créature au visage sympathique…

– Elle niait son crime, n’est-ce pas ?

– Avec énergie. Elle se prétendait innocente.

– Elle ne mentait peut-être pas. »

Georges et Étienne regardèrent Lucien avec curiosité.