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– Certes ! Mais il faut pour cela que la chance m’arrive… Et j’attends… j’attends sans cesse. J’ai bien peur que l’attente ne se prolonge aussi longtemps que ma vie !

– Lucien, j’ai un reproche à vous adresser. Vous perdez courage. Au lieu de vous raidir contre la mauvaise chance, vous courbez la tête devant elle. Notre tendresse mutuelle devrait cependant vous donner de la force et de l’énergie. Est-ce que vous ne m’aimez plus ?

– Ah ! s’écria Lucien, c’est mal et c’est cruel de m’adresser une pareille question !… Mais que voulez-vous que je fasse !

– Imposez votre mérite !… Ne vous lassez pas de frapper aux portes qui refusent de s’ouvrir.

– Mais à frapper ainsi aux portes rebelles, il ne me restera plus le temps de gagner le strict nécessaire…

– Ne vous ai-je pas dit que j’avais quelques économies… Elles sont à votre disposition… C’est à mon fiancé que je les offre.

– Je n’accepterai jamais cela ! s’écria le jeune homme.

– Vous me refusez la joie de vous venir en aide parce que je suis une femme ! c’est cruel… Mais enfin vous avez des amis de collège en position de vous être utiles… Pourquoi ne vous adressez-vous pas à eux ?

– Ils m’ont accueilli avec une gracieuseté banale, jusqu’au moment où ils ont compris que j’avais besoin d’eux… Je me suis éloigné la tête basse, le cœur meurtri.

– Tous ont été ainsi ?… Même ce jeune homme pour qui vous éprouviez une affection particulière ?

– Georges Darier, mon inséparable du collège Henri-IV. Nous ne nous sommes point rencontrés depuis six ans.

– Habite-t-il Paris ?

– Je l’ignore.

– Quelle est sa carrière ?

– Il faisait son droit. Il se destinait au barreau.

– S’il est avocat, il doit être facile de le trouver.

– Sans doute. Mais ne sera-t-il point comme les autres ?

– Qui sait s’il ressemble aux autres ? Qui sait si son