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après avoir joué sur la route, commençait à trouver le temps d’arrêt un peu prolongé.

« Maman, fit-il, allons-nous-en. Viens-nous-en, ami Jacques. »

Et il prit la main du contremaître. Celui-ci et Jeanne se remirent en marche. Jacques était sombre.

« Donnez-moi ce bidon, dit-il tout à coup, que je le porte…

– Non, merci, nous voici presque arrivés, d’ailleurs ça n’est pas lourd, quatre litres de pétrole… »

Le contremaître ne put réprimer un mouvement de surprise :

« Vous vous éclairez donc au pétrole ?

– Oui, c’est moins cher, et vous savez que je dois avoir de la lumière toute la nuit dans la loge.

– Sans doute, mais c’est dangereux et M. Labroue serait mécontent s’il apprenait que vous faites cette économie. Il ne veut pas qu’une goutte d’huile minérale entre dans l’usine.

– Je l’ignorais, fit Jeanne avec un étonnement mêlé d’inquiétude.

– Eh bien, prenez garde au patron. Il se fâcherait.

– Dès demain je brûlerai de l’huile ordinaire. »

On était arrivé près de l’usine. La porte était close. Jeanne s’avança pour frapper.

« Un dernier mot, lui dit Jacques.

– Lequel ?

– Ne me fixez aucune époque, mais permettez-moi l’espoir. Vous me le permettez, n’est-ce pas ?

– Non, Jacques.

– Quoi, pas même cela ! » s’écria le contremaître.

La jeune femme fut épouvantée du brusque changement qui venait de s’opérer dans la physionomie de son interlocuteur. Elle se hâta vers la porte. Jacques lui barra le passage.

« Ne me désespérez pas ! » murmura-t-il, les dents serrées.

Jeanne, voulant se débarrasser du contremaître qui lui faisait vraiment peur, répondit :

« Eh bien, plus tard, nous verrons. »