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entre tes mains, et en te glissant dans la peau de Paul Harmant mort à l’hôpital de Genève, le 15 avril 1856. »

Jacques terrifié recula, chancelant comme un homme ivre.

« Sur quoi t’appuies-tu ? demanda-t-il d’une voix étranglée.

– Mais, sur l’acte de décès du cousin Paul Harmant.

– Mensonge !

– Allons, mon vieux, ne fais pas la bête ; je sais tout, tu entends. TOUT ! Mais, tu pourras aller en France sans inconvénient pourvu que je garde le silence, car alors personne ne se doutera que tu as commis une ribambelle de crimes et laissé condamner à ta place la malheureuse Jeanne Fortier.

– J’y peux aller quand même ! répliqua d’un ton cynique l’ex-contremaître, reprenant son sang-froid. Qu’ai-je à craindre de la justice ? Il y a prescription.

– Turlututu ! répondit Ovide en riant. Tu te mets le doigt dans l’œil jusqu’au coude, mon vieux ! Il y a prescription pour l’incendie, pour le vol, pour l’assassinat, d’accord, mais seulement pour l’usurpation du nom de « Paul Harmant ». Qu’une plainte accompagnée de preuves arrive au parquet t’accusant de porter un nom qui ne t’appartient pas, et tu verras tout aussitôt la justice s’occuper de toi, de ton présent et de ton passé.

– Et tu porterais cette plainte ? demanda Jacques frémissant.

– Ça dépend. Oui, si tu n’es pas gentil. Non, si tu fais ce que j’attends de toi. Crois-moi, ma vieille… ne regarde pas à payer mon dévouement et ma discrétion. Je veux devenir patron à mon tour. Ainsi, donc, donne-moi l’usine et quarante mille dollars de fonds de roulement, sinon je dis à qui veut l’entendre que Paul Harmant, jouissant, ici, de l’estime universelle, n’est qu’un joli gredin qui se nomme Jacques Garaud… et après l’avoir dit, je le prouve ! C’est ça qui fera plaisir à ta fille ! »

Jacques s’était levé. Il marcha sur Ovide menaçant.

« Et si je te tuais ?… » fit-il d’une voix sifflante.