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Le contremaître fit un geste de désespoir. Deux grosses larmes coulèrent sur ses joues.

« Et cependant, dit-il d’une voix étranglée, je vous adore. Ah ! madame Fortier, vous me faites beaucoup souffrir. »

Ces larmes d’un homme produisirent sur Jeanne une pénible impression.

« Je vous cause de la peine en vous disant la vérité, répliqua-t-elle d’un ton plus doux. Mais ma conscience me commande la franchise ! Ne pensez plus à moi.

– Est-ce que je pourrais ! s’écria le contremaître.

– On peut tout ce qu’on veut. À partir d’aujourd’hui, je vous le demande, je vous en conjure, pour mes enfants, ne me répétez plus des choses que je ne veux pas entendre.

– Ainsi, vous me fermez l’avenir ?

– Je le dois.

– Jeanne, reprit Jacques d’un ton farouche, en saisissant violemment la main de Mme Fortier, peut-être me dédaignez-vous parce que je suis un simple ouvrier, n’ayant pour fortune que mon salaire, mais si je devenais riche, très riche ? M’accepteriez-vous, alors ?

– Ne me parlez pas ainsi, balbutia la jeune femme. Vous me faites peur.

– Refuseriez-vous la richesse pour vous, pour vos enfants ?

– Taisez-vous !

– Eh bien, non, je ne me tairai point ! Vous ne comprenez pas, vous n’avez jamais compris comment je vous aime ! Je vous adore depuis cinq ans ! depuis le premier jour où je vous ai vue, et d’heure en heure, cette passion a grandi. Tant que Pierre a vécu, j’ai gardé le silence. Il m’appelait son ami ; sa femme était sacrée pour moi. Il est mort, vous êtres libre. Votre destinée est de m’appartenir tôt ou tard. Ne luttez point contre elle et je ferai de vous la plus heureuse des femmes. »

Et, élevant jusqu’à la hauteur de son visage la main qu’il tenait toujours, il la pressa contre ses lèvres avec une sorte de furie. Jeanne se dégagea. Tandis que s’échangeaient les répliques de ce dialogue, le petit Georges,