Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/147

Cette page n’a pas encore été corrigée

que chaque dimanche les religieuses partaient à six heures du matin pour aller entendre une messe à l’église paroissiale. Elles rentraient vers huit heures. La sœur Philomène, préposée à la pharmacie, ne manquait jamais de rejoindre à l’église les autres religieuses et revenait un peu avant elles pour être présente à la visite du docteur.

« Il faut que je sorte à sa place !… » s’était dit Jeanne.

On était au commencement de l’année 1880 ; le 18 janvier, un samedi, Jeanne avait décidé d’agir le lendemain. Sœur Philomène buvait chaque soir, par ordonnance du médecin, un verre de vin de banyuls au quinquina et mangeait un petit morceau de pain. La veuve de Pierre Fortier connaissait ce détail. Bien souvent elle voyait la religieuse préparer son verre de quinquina. Ce verre jouait un grand rôle dans le plan d’évasion de la détenue.

Au moment où sœur Philomène se rendait au réfectoire pour le dîner, l’infirmière en chef pénétra dans la pharmacie, alla droit à un rayon sur lequel elle prit une petite fiole dont l’étiquette portait ces mots : « Laudanum de Sydenham », et se dirigea vers la chambre de la sœur. Une tablette supportait la bouteille à demi pleine de vin de quinquina. Sans hésiter, Jeanne versa dans cette bouteille environ la moitié du contenu de la fiole.

Elle remit chaque chose à sa place et retourna à l’infirmerie où ses occupations l’appelaient. Quand dix heures sonnèrent, sœur Philomène parut, tenant son verre à la main.

« C’est demain dimanche. J’irai entendre la messe à l’église paroissiale. Vous me réveillerez, n’est-ce pas ?

– Oui, ma sœur. »

La sœur absorba le contenu de son verre jusqu’à la dernière goutte et regagna sa chambre. Jeanne l’ayant vue boire se retira, fit une ronde dans la salle des malades et rentra dans le cabinet où elle couchait.

Elle se jeta sur son lit sans se déshabiller. La nuit s’acheva lentement. Cinq heures du matin sonnèrent. Elle fut debout aussitôt, alluma une petite lanterne et, tra-