Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/145

Cette page n’a pas encore été corrigée

– Je ne puis vous l’apprendre, dit le médecin ; mais, en faisant écrire aux personnes chez lesquelles vos enfants se trouvaient lors de votre arrestation, vous obtiendrez sans doute des renseignements précis.

– Oui, j’écrirai…

– Pouvez-vous me dire si vous savez de quelle manière la raison vous est revenue ? interrogea le docteur.

– Non, je ne le sais pas, dit Jeanne. J’ai vu des flammes courant sur les murs… J’ai eu peur… Cela m’a rappelé l’incendie de l’usine d’Alfortville. Vous me croyez guérie ?

– Je l’espère et je le crois.

– Que va-t-on faire de moi ?…

– Aussitôt mon rapport adressé à qui de droit, on vous transportera dans une prison où vous subirez votre peine.

– Oui, la réclusion perpétuelle ! fit Jeanne avec amertume. Et mes enfants sont morts, peut-être… »

La veuve de Pierre Fortier éclata en sanglots. Le docteur lui jeta quelques paroles d’encouragement banal, et se retira. Jeanne restée seule se calma peu à peu, et elle en arriva à raisonner presque de sang-froid.

« J’ai laissé Georges, se dit-elle, chez le curé d’un village qui s’appelait, je crois, Chevry. Ce curé était un brave homme, un cœur d’or. Il m’avait promis de veiller sur mon fils… il aura tenu parole. Mon Georges bien-aimé, s’il est vivant encore, a quatorze ans déjà, et Lucie en a onze. Sa nourrice à Joigny se sera prise de pitié pour elle, sans doute. Elle l’aura gardée, élevée… »

Le jour même où la guérison de Jeanne avait été constatée, le médecin rédigea son rapport et ce rapport fut envoyé par le directeur de la Salpêtrière à la préfecture de police. Là on donna des ordres pour que la détenue fût transférée à Saint-Lazare d’où elle serait conduite à la maison centrale de Clermont pour y subir sa peine. On était aux mauvais jours du commencement de l’année 1871. Ce fut seulement au mois de juin que la détenue fut transférée de la Salpêtrière à Clermont.

Elle écrivit deux lettres, l’une au curé de Chevry, l’autre à la nourrice de sa fille, à Joigny. Trois jours plus tard, le directeur de la maison centrale recevait une lettre