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En arrivant à la cure, il reconnut que ses pressentiments ne le trompaient point. Le curé Laugier était dans un état désespéré, mais il conservait sa connaissance entière.

« C’est fini, mon cher Étienne, dit le vieillard, mon tour est venu. Si je vous ai fait appeler en toute hâte, si j’ai voulu vous voir avant de mourir, c’est que j’avais à vous entretenir de choses graves… Asseyez-vous et écoutez-moi. ».

Étienne prit une chaise et vint s’asseoir au chevet du moribond.

« Vous savez, continua le prêtre, que ma sœur a laissé en mourant sa petite fortune à Georges, son fils d’adoption ?

– Oui, fit l’artiste, du geste plutôt que de la voix.

– Par son testament elle m’instituait tuteur de l’enfant. Comme ma sœur, j’ai écrit mes dispositions dernières et c’est à vous que je confie la tutelle de Georges à qui je laisse le peu que je possède. Nous avons aimé tendrement le fils de Jeanne Fortier. Je vous demande pour lui toute votre affection.

– Je vous jure de bien aimer Georges et de veiller sur lui comme je veillerais sur mon frère si j’en avais un.

– Merci, mon ami… C’est vous que je nomme mon exécuteur testamentaire. Dans un instant je vous remettrai mon testament avec une lettre adressée à Georges, lettre que vous conserverez et qui ne passera de vos mains dans les siennes que quand il aura accompli sa vingt-quatrième année. À vingt-cinq ans il sera nécessaire qu’il sache la vérité sur sa naissance. Si malgré les apparences contraires la justice humaine avait condamné une innocente, ce serait du devoir du fils d’obtenir la liberté de sa mère, dans le cas où elle vivrait encore et de provoquer sa réhabilitation. »

Le moribond étendit la main vers son secrétaire.

« Ouvrez ce meuble, je vous prie, dit-il à Étienne. Dans le tiroir du bas, se trouvent deux plis cachetés. »

Étienne ouvrit le tiroir et y prit deux larges enveloppes.