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Paul Harmant, tout à ses chiffres, lui tournait le dos. Sans le perdre un seul instant de vue, Ovide versa du café dans une tasse ; puis, tirant de sa poche la fiole de liqueur canadienne, il la déboucha, laissa tomber dans le café la valeur d’une cuillerée à bouche de son contenu, remua le breuvage pour activer la fusion du sucre, plaça la tasse et la soucoupe sur la table de travail du gendre de Mortimer et dit :

« Voici ton café, tu peux le boire. »

D’une main distraite, Jacques prit la tasse, l’approcha de ses lèvres et absorba une gorgée de son contenu.

« Tu as ajouté de l’eau-de-vie ? fit-il.

– Quelques gouttes seulement… En veux-tu davantage ?…

– Non, cela suffit. L’alcool est l’ennemi du travail. »

Jacques acheva de vider la tasse. Soliveau se mit à fumer en guettant du coin de l’œil le faux Paul Harmant. Tout à coup, il vit ce dernier passer à deux reprises la main sur son front, geste qui ne lui était point habituel. En même temps ses paupières se mirent à battre. L’effet de la liqueur mystérieuse commençait véritablement à se produire. Jacques se dressa brusquement.

« Qu’as-tu, cousin ? lui demanda Soliveau.

– J’ai soif… » répliqua le gendre de Mortimer.

Et il vida d’un trait la seconde tasse de café qui se trouvait à côté de lui. Ensuite il se mit à arpenter la chambre de long en large, d’un pas rapide et saccadé. Des frissons passaient sur sa chair. Ses mains tremblaient, son visage devenait d’un rouge sombre. Dans ses yeux s’allumaient des lueurs.

« Décidément, cousin, reprit Ovide, en jouant l’inquiétude, tu ne me parais pas du tout dans ton assiette. »

Jacques s’arrêta et répondit avec un éclat de rire strident :

« Moi, malade !… Allons donc ! Pourquoi serais-je malade ?

– Tu as trop travaillé… Tu as besoin de repos, peut-être.

– Besoin de repos, moi ? Jamais ! je ne connais pas la fatigue !… J’ai soif… Je veux boire !… Donne-moi ce