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– Un ouvrier genevois, de passage à Dijon, avait persuadé ça à ta mère. Il ajoutait que tu avais claqué à l’hospice. La bonne femme allait écrire afin d’apprendre la vérité quand elle mourut un an juste après ton père. Tu as dû savoir tout ça ?

– Oui… oui… répondit Jacques Garaud enchanté de se trouver si bien renseigné, j’ai su ça à l’époque… et ça m’a fait beaucoup de chagrin. Pauvre père… pauvre mère !…

– Tu as été au pays, sans doute, toucher le petit héritage que tes parents t’avaient laissé ? Pas grand-chose…

– C’était peu de chose, en effet… répliqua Jacques.

– Je n’ai point hérité d’un radis, moi qui te parle.

– Comment, tu as perdu tes parents ?

– Il y a deux ans. Plus un Soliveau dans la Côte-d’Or. De toute la famille, c’est moi seul qui reste ; comme toi de la famille Harmant, mon vieux Paul… Disparue, la famille Harmant. Ni tenants, ni aboutissants… Figure-toi que je ne t’avais pas positivement reconnu d’abord le premier jour. Je doutais. Dame ! Voilà six ans que nous ne nous sommes vus, tu avais vingt-cinq ans et moi vingt-deux, et tu peux te flatter d’être joliment changé… à ton avantage d’ailleurs. T’es devenu un mossieu très chic, un particulier tout à fait rupin ! Est-ce que, depuis notre seule et unique rencontre à Marseille, tu as fait fortune ?…

– Fortune ! pas précisément. Mais, néanmoins, je ne me plains pas de ma position. J’ai mené à bien une invention qui m’a permis de mettre de côté quelques milliers de francs.

– Ah ! tonnerre ! les inventions, ça vous enrichit un homme d’un seul coup, à moins que ça ne tourne mal, et alors, ratiboisé !… Mais tu étais un malin, toi ! tu avais été à l’école de Châlons et ensuite aux Arts et Métiers…

– Oui… oui… j’ai beaucoup travaillé… Et toi, voyons, qu’est-ce que tu fais ?

– Dame ! toujours la même chose…

– Quelle chose ?