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désirait ne pas s’éloigner autant de sa mère, et il fut transféré le 13 octobre comme suppléant à Nevers. Il était plein d’enthousiasme pour ses nouvelles fonctions : « Quelle est, écrivait-il à Paradol (5 février 1852), la meilleure position pour s’occuper de littérature et de science ? À mon avis, c’est l’Université… C’est une bonne chose pour apprendre que d’enseigner… Le seul moyen d’inventer, c’est de vivre sans cesse dans sa science spéciale. Si j’ai pris le métier de professeur, c’est parce que j’ai cru que c’était la plus sûre voie pour devenir savant. Les meilleurs livres de notre temps ont eu pour matière première un cours public. » Il trouvait même que la solitude et la monotonie de la vie de province avaient leurs avantages en vous imposant « la nécessité de penser toujours pour ne pas mourir d’ennui ». Pourtant ce brusque éloignement de sa famille, de ses amis, de Paris, de cette École normale qu’il appelait « la chère patrie de l’intelligence[1] », lui fut cruel. « J’ai été

  1. Ces lignes du 24 mars 1852 se trouvent dans une lettre de remerciement à M. E. Havet qui lui avait envoyé à Nevers son édition des Pensées de Pascal : « Votre livre vient de me rendre pour une journée à la vie et au monde… Ce sont là les livres nécessaires. C’est faire œuvre politique et travail de convertisseur que les écrire ; c’est montrer de nouveau, comme