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nous suivons des yeux les sillons profonds qu’y ont creusés les passions, la douleur et le travail ; nous reconnaissons parmi les graines que le semeur y jette à pleines mains toutes celles qui germeront plus tard.

Il y a deux périodes dans ces années d’apprentissage. La première est remplie par l’amitié de Michelet pour Poinsot ; dans la seconde, Michelet cherche dans le travail et l’activité intellectuelle un remède à la douleur poignante causée par la mort de son ami. C’est un roman que l’amitié de Michelet pour Poinsot. Cruellement déçu dans son amour pour Thérèse, maintenant mariée en province, mais gardant au fond du cœur la blessure encore saignante, instruit par la lamentable destinée de Marianne[1] des conséquences qu’entraîne pour la femme la légèreté égoïste de l’homme, il s’était imposé les règles morales les plus sévères, non par obéissance à des préceptes abstraits ou à une loi religieuse, mais par compassion pour la femme et par respect pour lui-même. Il se voue tout entier au travail et à l’amitié. Mais dans cette âme passionnée, l’amitié prend bien vite toute l’intensité

  1. Voyez Ma Jeunesse.