Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/285

Cette page n’a pas encore été corrigée

de tranquillité pour noter ainsi ses pensées. Les bruits du dehors l’empêchaient d’entendre le rythme intérieur. Quand, en octobre 1859, au milieu d’une tempête, il cherchait à écrire ses impressions, il vint un moment où il dut s’arrêter ; la violence du vent et de la mer, la fatigue et le manque de sommeil avaient blessé en lui une puissance, « la plus délicate de l’écrivain, le rythme. Ma phrase devenait inharmonique. Cette corde, dans mon instrument, la première se trouva cassée ». Ces expressions nous montrent que Michelet sentait qu’il écrivait comme un musicien compose. Dans ce même récit de la tempête, au chapitre VIIe de la Mer, se trouvent de nombreux exemples de la puissance d’expression qu’il trouve dans la variété du rythme de ses phrases. Au début, il peint le charme de la plage de Royan.

« Les deux plages semi-circulaires de Royan et de Saint-Georges, sur leur sable fin, donnent aux pieds les plus délicats les plus douces promenades, qu’on prolonge sans se lasser dans la senteur des pins qui égayent la dune de leur jeune verdure. »

Quelle douceur, quelle lenteur dans cette longue phrase qui continue tout en paraissant