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il n’exagérait point son mérite, n’occupait pas le public de sa personne, et surtout avait la sagesse de ne pas se croire appelé à jouer tous les rôles et à déployer tous les talents. On eut beau le supplier d’entrer dans la vie politique, il repoussa toutes les avances qui lui furent faites. Après le 2 Décembre, il perdit ses places et fut presque réduit à la pauvreté parce qu’il refusa le serment ; mais il ne fit pas tapage de son désintéressement et ne chercha point à se faire un piédestal des malheurs publics. Passionnément épris pour ses œuvres tout le temps qu’il les composait, il les abandonnait presque et devenait indifférent à leur sort quand elles étaient terminées. Non seulement il méprisait la réclame, mais il était presque insouciant de l’éloge ou du blâme. Il ne sollicitait pas d’articles, et les critiques les plus vives n’excitaient chez lui que le sourire, pourvu qu’elles fussent tournées avec esprit.

Cette sérénité de caractère, cette vie de cénobite, discrète et régulière, bien loin d’éteindre les ardeurs et l’énergie de son âme, les conservaient et les entretenaient au contraire. Rien n’en était dépensé au dehors, et c’est ainsi qu’il a pu produire cinquante volumes sans