Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/263

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne pouvait satisfaire son cœur. Il avait en lui une vie trop intense pour accepter la mort comme une sentence définitive ; il avait un trop grand besoin d’amour et d’harmonie pour voir autre chose que de passagères apparences dans les désordres, le mal, la souffrance qui accompagnent la vie terrestre, et pour ne pas croire à l’existence d’un amour infini et d’une harmonie parfaite. C’était son cœur qui lui dictait sa religion, comme il lui avait dicté sa politique. Il ne construisait point de théories philosophiques, il ne s’amusait point à la métaphysique. Dieu ne fut jamais pour lui un principe intellectuel, une cause abstraite, mais « la source de la vie », « l’amour éternel, l’âme universelle des mondes, l’impartial et immuable amour[1] ». S’il croit à l’immortalité, ce n’est pas en vertu d’une déduction logique, d’un raisonnement d’école, c’est par un sentiment ; par une violente aspiration de l’âme ; ce n’est point parce que l’homme est un être intelligent, un esprit qui se croit immortel, mais parce qu’il est un être aimant. « Je ne sens pas pour mon esprit, me disait-il un jour, le besoin d’une vie éternelle ; je sens que

  1. Bible de l’humanité, page 486.