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bonté. Dans une âme passionnée comme la sienne, sa constante bienveillance, son inaltérable douceur était une haute vertu. Je ne l’ai jamais entendu parler de personne avec amertume, et je ne crois pas qu’il ait jamais volontairement fait de la peine à quelqu’un. Ce qu’il fut pour les pauvres, pour les souffrants, nul ne le saura jamais. Je l’ai vu dépenser son temps en démarches, en correspondances, en efforts de tout genre, pour un pauvre gardien de phare injustement destitué, qu’il avait rencontré par hasard dans un voyage, et cela avec une simplicité extrême, sans aucune attitude de protection ; on eût dit un ami prêtant secours à un ami. La dignité et la bonté s’unissaient en lui dans un si parfait accord, qu’il savait autoriser la familiarité tout en imposant le respect.

Mais l’humanité ne suffisait pas à l’insatiable

    le bœuf de labour, et des vers à Gallus : nec te pœniteat pecoris). Ce paysan de Mantoue, avec sa timidité de vierge et ses longs cheveux rustiques, c’est pourtant, sans qu’il l’ait su, le vrai pontife et l’augure, entre deux mondes, entre deux âges, à moitié chemin de l’histoire. Indien par sa tendresse pour la nature, chrétien par son amour de l’homme, il reconstitue, cet homme simple, dans son cœur immense, la belle cité universelle dont rien n’est exclu qui ait vie, tandis que chacun n’y veut faire entrer que les siens ». P. 232. Voyez aussi dans le Banquet, l’admirable chapitre sur Virgile.