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de commun avec le chauvinisme étroit de ceux qui ne savent aimer leur pays qu’en haïssant l’étranger. Bien loin d’y trouver des motifs d’égoïsme et de haine, il y trouvait la source d’un amour plus large encore. La patrie était pour lui « l’initiation nécessaire à l’universelle patrie ». « Plus l’homme, disait-il, entre dans le génie de sa patrie, mieux il concourt à l’harmonie du globe ; il apprend à connaître cette patrie, et dans sa valeur propre, et dans sa valeur relative, comme une note du grand concert ; il s’y associe par elle ; en elle, il aime le monde. » Si, de toutes les nations, la France lui paraissait la plus digne d’amour, c’est qu’elle est « le représentant des libertés du monde et le pays sympathique entre tous, l’apôtre de la fraternité » ; c’est qu’elle a eu plus qu’aucun autre le « génie du sacrifice ». La plus haute manifestation du génie de la France est à ses yeux la Révolution, qui restera dans l’avenir son « nom inexpiable, son nom éternel », et la Révolution symbolise pour lui les idées de justice et de concorde universelle. Il eût dit avec le poète :

Je tiens de ma patrie un cœur qui le déborde,
Et plus je suis Français, plus je me sens humain[1].

  1. Sully Prudhomme