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devait plus tard, dans ses livres, rendre la vie aux cendres du passé et donner une âme et un cœur à la nature entière, s’éveillait en lui le premier. « Jamais, dit-il, je n’ai tant voyagé d’imagination que pendant que j’étais immobile à cette casse… Très solitaire et très libre, j’étais tout imaginatif. » Il ne pouvait suivre d’instruction régulière ; le matin, avant le travail, il recevait quelques leçons de lecture d’un vieux libraire, ancien maître d’école, « homme de mœurs antiques, ardent révolutionnaire ». Il apprit de lui, sans doute, à admirer et presque à adorer la Révolution, qui depuis fut toujours à ses yeux la plus grande manifestation de la France dans l’histoire et comme la révélation de la justice. Deux ou trois livres faisaient sa seule lecture. L’un d’eux produisit en lui une impression extraordinaire, éveilla le sentiment religieux, la foi en Dieu et en l’immortalité qui, à travers toutes les variations de sa pensée, devait se manifester dans toutes ses œuvres et persister jusqu’à son dernier soupir. C’était lImitation de Jésus-Christ :

« Je n’avais encore aucune idée religieuse… Et voilà que dans ces pages j’aperçois tout à coup, au bout de ce triste monde, la délivrance