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aussi fidèle à elle-même, aussi nettement formulée dès le début, aussi rigoureusement maintenue jusqu’au bout dans sa ligne inflexible à travers une accumulation incessante de faits, un jaillissement intarissable d’idées et d’images. De la première ébauche de sa thèse sur les sensations au dernier chapitre de ses Origines, Taine reste identique à lui-même, et la préface du Tite-Live, la conclusion des Philosophes français, l’Introduction à la Littérature anglaise, le livre de l’Intelligence, marquent les points de repère d’un système plutôt que les étapes d’une pensée qui évolue.

La conception que les penseurs se font de l’Univers n’est que l’image agrandie de leur propre personnalité intellectuelle. L’œuvre de Taine a été ce que l’Univers était pour lui : le rayonnement prodigieusement varié et merveilleusement coloré d’une pensée unique. Il n’est pas d’écrits qui, mieux que les siens, puissent servir à illustrer son système. Il faut ajouter, il est vrai, que dans les applications de détail il avait, avec les années, gagné en largeur de compréhension et en chaleur de sympathie, et que son intransigeance de logicien s’était assouplie depuis le temps où le M. Pierre des Philosophes français réduisait tout en chiffres.