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les sensations, les conceptions, les représentations, les illusions et tout le bataillon des on me danse dans la tête, et je suis ahuri et étourdi comme un chien de chasse après une course au cerf de trente-six heures. Mais ce système est bon, et je pense qu’on ne fait jamais si bien une chose que quand, après l’avoir méditée longtemps, on l’écrit sans désemparer ».

Il avait pendant ces quelques mois vu se préciser dans son esprit les idées maîtresses dont son œuvre entière ne sera que le développement. Tout d’abord, il s’était plongé dans la lecture des philosophes allemands, de la Logique et de la Philosophie de l’histoire de Hegel : « J’essaie de me consoler du présent en lisant les Allemands, écrit-il le 24 mars 1852 à M. Havet. Ils sont par rapport à nous ce qu’était l’Angleterre par rapport à la France au temps de Voltaire. J’y trouve des idées à défrayer tout un siècle, et si ce n’étaient mes inquiétudes au sujet de l’agrégation, je trouverais un repos et une occupation suffisants dans la compagnie de ces grandes pensées. » Mais son solide cerveau devait résister à toutes les fumées de cette ivresse métaphysique : plus il lisait Hegel, plus il reconnaissait ce que son système