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CONTES POPULAIRES EN ITALIE

chiffres sur les arbres d’une forêt en fait couler autant de pièces d’argent qu’il y creuse d’entailles, Un os d’un fils de roi égorgé par ses frères et enterré dans un champ tombe dans les mains d’un berger qui en fait un chalumeau : il en sort aussitôt des lamentations qui dénoncent les fratricides. Les fées protègent particulièrement les bossus qui grâce à elles sont les plus allègres des hommes. Elles protègent aussi les cadets de famille et peuvent changer un jeune prince en anneau d’or afin que la princesse aimée le puisse passer à son doigt.

Parmi les esprits malfaisants, les plus féroces sont les dragons femelles affamés de chair humaine. Quant aux démons, ce ne sont pas positivement des divinités infernales ; ce sont des êtres indéfinis dans le monde de la magie ou de la sorcellerie : ils dépendent d’un magicien qui les évoque à son gré. Les Siciliens n’aiment pas à nommer le diable ; ils le désignent sous le sobriquet de’maître Paul, de cousin Martin ou Martinet. Tel est le personnel des féeries.

Les aventures qui s’y passent n’ont guère varié depuis le moyen âge jusqu’à nos jours : descente dans des souterrains dont l’entrée est masquée par un chou, par un champignon monstre ou par des broussailles ; voyages très-longs ordinairement à pied, où l’on use, en marchant toujours, jusqu’à sept paires de souliers en fer ; batailles nocturnes (toutes les actions importantes se font de nuit) contre des êtres fabuleux et des animaux fantastiques ; jardins enchantés comme l’île d’Alcine, maisons habitées par des cannibales, grandes villes silencieuses dont les habitants remuent sans respirer, enfin tout ce que l’Arioste, Boiardo, les romanciers de la Table-Ronde ont trouvé dans leurs têtes ou dans les tra-