— Il fallait dire : « Seigneur, faites-le courir ! »
Le marin pensait à son vaisseau, il aurait voulu que le valet lui jetât un souhait favorable. Ces vœux adressés tout haut, en toute occasion, même à des inconnus, sont une règle de la politesse populaire dans les pays méridionaux ; il n’est pas de voyageur qui ne se soit entendu dire par les paysans de Naples qu’il a rencontrés sur son chemin : « Que la madone vous accompagne ! »
Giufà retint le mot du capitaine, et, ses tripes ramassées, se remit en route en criant à tue-tête : « Seigneur, faites-le courir ! »
À ce bruit s’enfuit de tous côtés le gibier que guettaient des chasseurs qui, retournant leurs fusils contre le crieur malavisé, le rouèrent de coups de crosse.
— Comment donc fallait-il dire ? demanda-t-il en pleurant de plus belle.
— Il fallait dire : « Seigneur, faites-les tuer ! »
Giufà n’oublia pas le conseil et, s’étant remis en route, ses tripes à la main, rencontra deux hommes qui se disputaient.
— Seigneur, faites-les tuer, s’écria-t-il.
Les deux hommes, qui allaient se battre, peu satisfaits du souhait, tombèrent sur Giufà qui, pleurant toujours plus fort, renouvela sa question.
— Il fallait dire : « Seigneur, faites-les séparer ! » répondirent les deux rustres.
Giufà se le tient pour dit et passa devant une église juste au moment où en sortaient deux mariés avec les gens de la noce.
— Seigneur, faites-les séparer, s’écria-t-il.
Nouvelle volée de coups de bâton ; le malheureux criait en se débattant :