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Et des dragons ailés, au farouche regard,
Sur l’horrible montagne arboraient l’étendard ;
Tandis qu’un vent brûlant, montant jusqu’à sa cime,
Leur apportait parfois des tisons de l’abîme.
— « Mes enfants, dit le diable, imaginons un jeu,
» Et pour accoutumer chacun de nous au feu,
» Je vous propose, avant l’heure de nos étrennes,
» D’exercer vos esprits à concevoir mes peines. »
Puis, montrant Harpagon, qui jadis était mort
Pour économiser sur son vieux coffre-fort :
« Invente, lui dit-il, un tourment qui m’effraie ;
» Voyons, peins-moi l’Enfer, il faut que je m’égaie.
» Ami, ton coffre-fort nous sépare de Dieu ;
» Parle, il n’entendra pas discourir sur le feu. »
De sa propre pensée épouvanté lui-même :
« Prince, dit Harpagon, le visage tout blême,
» Je vois couler sur toi des flots d’argent fondu ;
» Au bord du fleuve, on crie : « Éternité d’angoisses… »
— Mais Satan répondit : « À peine tu me froisses ;
» C’est un chatouillement, un rien, qui fait pitié ;
» Le plus lâche des cœurs n’en fût pas effrayé ! »
— « Eh bien, » lui dit un autre, habile philosophe
Qui, croyant son esprit d’une plus rare étoffe
Que le vulgaire esprit, ici-bas, aux humains
Expliquait de son Dieu les éternels desseins :
« Je te suppose, moi, plongé dans les ténèbres,