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« Frère, dit-il avec mystère,
Verse donc, verse un peu de bière.
Le chemin m’a tant altéré !
Mon sort est de n’avoir en poche
Jamais d’argent ; mais dans mon coche
En retour je te conduirai. »

— « Par ma tête ! j’en suis, dit l’autre en son ivresse ;
Je brûle d’éprouver ta ruse et ton adresse.
Quand nous aurons tout bu, roule-moi, roule-moi
Chez ma mère, entends-tu ? chez elle, où qu’elle soit ! »

Il dit. Ces deux hommes, plus pâles,
Se lèvent. Le cri des cavales
Se prolonge dans la forêt.
Le claquement du fouet se mêle
Au bruit du tonnerre, à la grêle.
« Monte, monte ; le coche est prêt ! »

Ils partent ; voyez-les. La roue au loin s’allume ;
L’air pétille, et des pins la sommité qui fume
Craque sous les sabots des chevaux écumeux.
Les voilà disparus dans l’horizon brumeux.

Hourrah ! l’horizon se recule !
Le char, qui longtemps y circule,