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L’ART

plus considérables et plus riches ; mais en même temps, leur infériorité est réelle par rapport aux Latins et aux Sabelliens. La convenance dans les formes, l’utilité vraie sont moins bien observées chez eux, et ils n’ont pas au même degré l’inspiration et le sens du beau. Mais ce n’est encore que dans l’architecture que ces différences se trahissent. La structure polygonale, si belle, si bien appropriée à son objet, se rencontre fréquemment dans le Latium et dans les régions centrales : en Étrurie, elle est rare, et les murs mêmes de Cœré n’offrent nulle part l’appareil à blocs multangulaires. Des constructions religieuses déjà remarquables, l’arc, les ponts (p. 230)[1], font pressentir les grandes destinées de l’art romain, l’époque des aqueducs et des voies consulaires. Les Étrusques, au contraire, initiés aux principes de l’architecture monumentale de la Grèce, les ont promptement dénaturés. Ils appliquent maladroitement aux bâtiments de bois les lois qui régissent les constructions en pierre ; ils inclinent le toit d’une façon exagérée ; ils espacent trop les intervalles des colonnes, et pour emprunter le dire d’un architecte ancien, ils donnent à leur temple « un aspect large, écrasé et lourd ». Dans les proportions riches et pleines de l’art grec, les Latins n’ont pas trouvé toutes choses, tant s’en faut, en harmonie avec leur puissant réalisme ; mais ils ont su pleinement s’approprier le peu qu’ils lui ont pris. Dans la construction polygonale du mur des villes, ils ont peut-être dépassé leurs maîtres. L’art étrusque est la manifestation éclatante d’une incroyable dextérité de main qui se maintient par une infatigable industrie ; mais, comme l’art chinois, cette industrie n’atteste au plus que le génie secondaire de l’imitation, de la réceptivité, pour parler avec l’école. On aura beau disputer : de même

  1. [V. sur ce point le chapitre ixe du IIe livre, infra.]