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LIVRE I, CHAP. XV

mences, au lieu de lever, se flétrirent. L’éducation physique de la jeunesse lui donna la solidité et l’adresse corporelles ; elle ne lui communiqua jamais la souplesse élégante et artistique, résultat ordinaire de la gymnastique chez les Grecs. Importés en Italie, les jeux publics helléniques modifièrent leurs règles essentielles, et n’eurent plus leur sens national. Les citoyens seuls y devaient prendre part ; il en fut ainsi, même à Rome, dans l’origine : mais plus tard cavaliers et lutteurs n’y sont plus que des hommes professionnels. En Grèce, il fallait, avant toute autre condition pour descendre dans l’arène, prouver qu’on était libre et issu de sang grec : chez les Romains, des affranchis des étrangers, et jusqu’à des esclaves sont admis de bonne heure à concourir. Par suite, l’assistance, composée jadis de combattants rivaux, ne devient plus qu’une foule de curieux : de la couronne du vainqueur, de cette couronne que l’histoire a depuis décernée si justement à la Grèce entière, il ne sera plus bientôt question chez les Romains. — Il en arriva de même de la poésie et de ses sœurs. Il n’a été donné qu’aux Grecs et aux Germains, de s’abreuver aux sources jaillissantes des vers et à la coupe d’or des muses : quelques rares gouttes seulement sont tombées sur la terre italique[1]. La légende locale ne s’y est point formulée en poëmes. Les dieux sont demeurés de pures abstractions ; ils ne se sont point élevés plus haut, ou enveloppés, si l’on aime mieux, dans une personnification transfigurée. Les plus grands, les plus nobles héros sont restés de simples mortels ; et, quand les Grecs, pratiquant la religion des souvenirs et cultivant avec amour la tradition que léguaient leurs grands hommes, les plaçaient dans l’empyrée à côté des dieux, les Latins les laissent tous à l’état de simples mortels.

  1. [Le traducteur renvoie ici à la note, p.294]