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L’ART

accompagnât les pas et les sauts des danseurs ?

Chants religieux.Les premiers chants que les Romains entendirent n’étaient autres que le bruit harmonieux des feuilles dans la solitude des forêts. Les murmures et les chants du « bon esprit » (Faunus, de favere) dans le bocage sont recueillis par ceux à qui il est donné de lui prêter l’oreille ; par le sage (vates), par la chanteuse (casmena, carmenta), qui les rapportent aux hommes, soit sur la flûte, soit en paroles rythmées (casmen, plus tard carmen, de canere). Les noms de quelques-uns de ces médiateurs inspirés des dieux, celui surtout de l’antique devin et chanteur Marcius, restèrent longtemps dans la mémoire de la postérité. À côté des prophéties, il faut ranger les incantations magiques, les conjurations contre les maladies et les maux de toutes sortes, les chants mauvais qui éloignent la pluie, qui appellent la foudre ou attirent les semences d’un champ sur un autre. Seulement, ces formules semblent n’avoir été dans l’origine que de simples interpellations verbales, ou même de simples cris[1]. Enfin, une tradition plus précise et non moins ancienne nous a fait connaître les litanies religieuses, chantées et dansées par les Saliens et les autres membres des confréries sacerdotales. L’une d’elles même (seule et unique, il est vrai) est venue jusqu’à nous. C’est le chant dansé et alterné des frères Arvales, en l’honneur de Mars ; il nous paraît mériter une citation toute spéciale :

  1. Telle est, par exemple, la formule préservatrice de l’entorse, citée par Caton l’Ancien (de re rust. 160) : hauat hauat hauat, ista pista sista damia bodanna ustra, laquelle probablement n’avait pas plus de sens pour son inventeur que pour nous, modernes. Naturellement aussi, les formules interpellatives existent en grand nombre : on se préserve, par exemple, de la goutte, en arrêtant à jeun sa pensée sur un tiers, et en disant trois fois neuf fois (soit 27 fois), en même temps que l’on touche la terre et que l’on crache : « Je pense à toi ; sois en aide à mes pieds ; que la terre reçoive mon mal et que la santé me reste ! » (Terra pestem teneto, satus hic maneto. Varr., de re rust. 1, 2, 27).