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LIVRE I, CHAP. XIII

tition des produits fonciers fut en réalité la plus solide base de l’institution morale et religieuse de la clientèle. Et qu’on ne croie pas que la clientèle n’est née qu’après la suppression des communautés agraires : de même que le propriétaire séparé le fit plus tard pour son domaine, de même auparavant la famille avait pu assigner à des subordonnés les lots de sa terre indivise. Remarquez en même temps que la clientèle n’est point un lien purement personnel, et que toujours le client entre avec tous les siens dans le patronage du père de famille et de la famille toute entière.

L’ancien système rural des Romains fait aussi comprendre comment les grands propriétaires ont fondé une aristocratie agricole et non point une noblesse urbaine. Comme la funeste classe des intermédiaires et des entrepreneurs de culture était alors inconnue, le propriétaire vivait attaché à la glèbe autant que le paysan ou le métayer : il voyait tout, mettait la main à tout par lui-même ; et ce devint un éloge ambitionné par le citoyen riche que d’être proclamé bon agronome. Il avait sa maison sur ses terres : en ville, il n’avait qu’un logement où il se rendait à jour fixe pour y vaquer à ses affaires, et parfois, durant la canicule, pour y respirer un air moins malsain. En même temps, ces habitudes créèrent de bons et utiles rapports entre les grands et les petits, et parèrent aux dangers inhérents à toutes les institutions aristocratiques. La masse des prolétaires (p. 118, 119) se composa des libres possesseurs à titre précaire, descendus la plupart de familles déchues, des clients et des affranchis ; ils n’étaient pas beaucoup plus sous la dépendance du domainier, que ne l’est nécessairement le petit fermier sous celle du grand propriétaire. Là où la portion envahissante n’a pas asservi toute la population du même coup, les esclaves sont rares d’abord ; à leur place, on voit des travailleurs