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RELIGION

complissement de la sentence divine n’appartient pas d’ordinaire à la juridiction civile, encore moins à tel ou tel citoyen, ou à tel ou tel prêtre, celui-ci demeurant, on le sait, sans pouvoir politique. L’excommunié, en un mot, n’est pas la chose des hommes, mais bien celle des dieux. Toutefois, les croyances populaires sont puissamment émues par la sentence d’excommunication ; et, dans ces anciens temps, elle imprima une terreur grande dans les esprits même futiles ou mauvais. La religion a donc ici exercé une influence civilisatrice d’autant plus pure et plus profonde qu’elle n’empruntait pas les armes de la justice temporelle. Mais au delà de ces préceptes de discipline civile et de morale, elle n’a rien apporté d’autre au peuple latin. Les cultes helléniques ont fait bien plus pour le peuple grec : il ne leur doit pas seulement sa culture intellectuelle, il leur doit aussi tous ses progrès dans le sens de l’unité nationale. Chez lui, tout ce qui est grand, tout ce qui est la commune richesse de la nation, se meut et vit autour des oracles, au milieu des fêtes religieuses, à Delphes, à Olympie, dans le commerce des Muses, filles de la Foi. Et, chose étrange pourtant, le Latium l’emporte ici encore sur la Grèce. Pour abaissée qu’y soit la religion jusqu’au niveau des idées moyennes, elle n’en est que plus claire et plus intelligible pour tous. Pendant qu’en Grèce elle n’habite que les hauteurs de la pensée, et ne se révèle entièrement qu’aux sages, créant de bonne heure, avec son cortège de biens et de maux, l’aristocratie brillante des intelligences ; à Rome, elle maintient l’égalité civile. N’est-elle point à Rome, comme ailleurs, le produit des méditations infinies de la conscience humaine ? Croire que l’Empyrée romain est sans profondeur, parce qu’il s’ouvre facilement aux regards, c’est ne voir les choses qu’à la surface ; c’est croire le fleuve sans eau, parce que son eau est limpide. Je conviens qu’avec